Webovino

En voilà une sacrée bonne question!

Genèse de cette question fondamentale:

Ce matin, je discute avec un ami, très très amateur de la rive gauche.
Une passion quasi exclusive pour ces Bordeaux qu'il achète chaque année. Essentiellement les seconds de domaines réputés et d'autres crus autour de 40-50€ (les Pagodes d'Estournelle, Talbot, Pichon...etc).

Il boit aussi les vins d'autres régions mais les regarde avec cet air gentiment méprisant du châtelain bordelais qu'il n'est pas (il est français, d'origine belge et travaille dans un bistrot parisien).

"Des Loire à 8€, OK!
Des Bandol à 40? Tu plaisantes, à ce prix je peux avoir tel Bordeaux"

Évidemment, je tente de lui parler de Jaugueyron et sa Biodynamie, son Margaux 2016 à tout de même 55€. Je lui cite les grands en Biodynamie, lui parle de Richard Leroy, Lalou-Bize Leroy, des vins grecs, de Reynaud et tant d'autres vins parmi les plus recherchés.

Je lui apporte une autre approche du choix. Celui du travail de la vigne et au chai dans l'optique d'avoir le meilleur sans traficotage.

J'avance que grand vin et petite viticulture phytosanitaire avec rectif' en cave sont deux notions antinomiques.

Bref, je lui dis que ces Bordeaux GC sont proches du cacaboudin illégitime à prix gaguesque.

Il m'écoute, découvre ces noms tels que Jaugueyron, Leroy, me regarde avec quasi sidération et finit par me dire:

"Mais alors pourquoi ne sont-ils pas connus?"

Réponds lui qu'ils sont connus

Je lui ai répondu qu'ils étaient mondialement connus, spéculatifs et recherchés par tous.

"Mais alors pourquoi je ne les connais pas, moi?"

Et pourquoi, malgré cette révélation, le mythe d'encaver tous ces secondes cuvées de bordeaux à 50€(!!!!!!) perdurent dans un encrage solide(?).

Et pourquoi certaines montres très laides valent 100.000 euros alors que d'autres sont plus jolies et donnent l'heure pour 50 à 200 fois moins ?

Y a pas de logique. Les grands bordeaux surfent sur une réputation séculaire. Idem pour les maisons de champagne.

En fait les non connaisseurs se rassurent en voyant la "marque".

Ton pote n'y connait rien en quelque sorte (surtout s'il prend des seconds vins à 50 euros hihihih)

Ce qui est terrible c'est que toutes ces "prestigieuses" appellations bordelaises, qui historiquement ont "tapiné" avec le grand négoce anglais, réussissent à fagociter toute tentative des autres régions à vouloir exister sur la scène de l'hyper luxe et du fantasme.

Un consommateur classique comme mon ami est donc totalement hapé par les circuits de distribution classique de masse et la communication à paillette qui entourent ces "grands" noms.

Dès lors, plus de place pour rêver ou même croire à d'autres grands vins potentiels. Ces derniers sont relégués aux folklores nationales et aux "peu sérieux".

Le rosé de Provence est en train de réussir la même main mise. Le life style hyper luxe associé à la joie de boire un liquide pâlot devient la norme qualitative à encaver pour avoir le mieux du mieux.

Greg v a écrit :
En fait les non connaisseurs se rassurent en voyant la "marque".

Les connaisseurs ont un peu le même défaut : dans une carte des vins où je vois des vins qui me parlent et des noms inconnus, je ne choisis pas toujours l'aventure (bien que d'un naturel plutôt curieux) ...

A priori, tu restes fidèle à des vins connus qui sont dignes d'une réelle démarche qualitative (= démarche agro-industrielle).

Donc tu vas vers la qualité et non la marque mais la marque (Reynaud devient une marque puisqu'on parle de style Reynaud) peut aussi être symbole de qualitê (plus rare).

Le béotien lui, va à coup sûr vers la marque convenue, conventionnelle voire industrielle dès lors qu'il en a les moyens...

EricC a écrit :

Greg v a écrit :
En fait les non connaisseurs se rassurent en voyant la "marque".

Les connaisseurs ont un peu le même défaut : dans une carte des vins où je vois des vins qui me parlent et des noms inconnus, je ne choisis pas toujours l'aventure (bien que d'un naturel plutôt curieux) ...

Oui mais en tant que connaisseur tu as sur une belle carte plein de noms qui te font envie et que tu n'as d'ailleurs sûrement pas goûtés. Donc c'est quand même de la curiosité

Oui, mais c'est un peu dommage aussi : à partir du moment où la carte comporte des noms qui font envie, on peut se dire qu'il y a un véritable travail de sélection derrière, et on pourrait donc lui faire confiance et partir (vraiment) à "l'aventure".
Dans mon cas ça dépend aussi du typage de la carte : si elle est un peu orientée nature, je suis moins joueur.
Moi je peux éventuellement apprécier, mais L. plus rarement.

C'est tout le travail du sommelier après.

Être capable de proposer des vins qui nous sont inconnus en nous rassurant par association d'image et de références connus.

Si le sommelier est capable de dire:

"Prenez ce Jurançon sec, vous aurez l'impression de boire un Boisson Vador pour 3x moins cher"

Je partirai à l'aventure.

Ils sont connus des amateurs de bons vins, pas des amateurs des vins centrés sur la rive gauche de Bordeaux !

Si il ne jure que par le bordeaux, il va jamais retenir d'autres noms, parce qu'il s'en fout royalement ; on ne retient pas ce qui ne nous intéresse pas... tu lui reparle de leroy dans 1 an il aura complètement oublié...

Après évidemment qu'il y a du très bon (réellement) pas connu ; à qualité égale, évidemment le vin dont la notoriété est établie depuis des siècles coutera bien plus cher que le domaine qui vient d'éclore.

L'aphorisme "ce qui n'est pas connu est forcément pas bon" est complètement absurde...

Ce n'est pas qu'il ne retient pas ou qu'il oublie.
C'est que ces vins "pointus d'amateurs avertis et de restaurant gastronomique" ne sont pas visibles. Ils n'entrent pas dans son champs de visibilité car ils sont dans un circuit de distribution/réception totalement encadré, verrouillé par la force commerciale et médiatique de ces domaines bordelais.

Il s'y complaît de bonne foi, comme je l'étais, au début de ma passion, quand je pouvais appeler un supermarché afin de réserver 12 Agassac et faire 30 min de transport pour les récupérer. LA HONTE. Un 16/20 pendant la foire au vin, ça ne se loupe pas!!!

La honte pas tant que ça ... je suis heureux de mes achats en FAV, il faut toujours avoir des bons Bordeaux en fond de cave et on est content à chaque fois qu'on les boit à maturité. Surtout qu'en FAV Agassac c'était à combien : 12 euros ? Maintenant on a l'entrée de gamme en Languedoc à ce prix là.

On change un peu de sujet mais autant je me moque de ceux qui ne connaissent que le Bordeaux, autant je ne participerais pas au Bordeaux bashing

Donc Seb tu penses que si tu lui proposes des vins à boire il va les acheter pour voir , ou il te répondra "bah non je veux pas ils sont pas connus" ; y a foule de domaines "pas connus" qui font du très bon vin !

Moi l'exemple qui me sidère sur cette histoire de connu/pas connu , et le raccourci pas connu=moins bon, c'est le domaine Pin des Marguerites , sur Saint Chinian ; autant mon expérience globale des vins reste assez limitée, autant j'ai pu goûter pas mal de domaines sur saint chinian (schisteux ou argileux) ; et de mon point de vue, ce domaine est celui qui arrive le plus à exprimer le terroir de schistes, c'est complètement dingue ; le côté fumé, ce côté acidulé en bouche, des vins souples... bref, personne n'en parle, le vigneron lui-même est hyper discret, il travaille dans son coin sans se mettre en avant (en tout cas c'est l'image frappante qu'il m'avait laissé lors de mon passage chez lui) ; et personne ne connait ce domaine ! Tout le monde connait Rimbert, Thierry Navarre, Moulinier, domaine Bordès, récemment la Grange Léon, etc... qui sont certes très bons !

Bref tout çà pour dire que ce qui est dans le verre est loin à mon avis d'expliquer à lui seul la renommée d'un domaine.

Pin des Marguerites ... je le note

Pin des Marguerites, ça fait un moment que je veux goûter. J'oublie de m'en occuper.

Sur le cas de mon ami:

Je lui ai proposé l'horizontale de Clos du Jaugueyron. Du haut Médoc aux Margaux sur 2015 et 2016!!

De la Biodynamie, des taux de Sulfite autour de 10-20mg/l.
Un élevage d'hyper qualité.

Bref, qui fait mieux de la vigne au verre sur Bordeaux ?

Et qui fait mieux à ces tarifs? (20-60€).

Et bien malgré le fait qu'il soit Acheteur Compulsif de Bordeaux, il n'y a pas cru alors même qu'il a googolisé le domaine...
Il a préféré acheter du Talbot 2018 (65€ LOL, plus cher que le Margaux 2016 de Jaugueyron ahahahah) et les Pagodes d'Estournelle, entre autre.

Concernant Agassac 2005/2004, franchement, c'est peut-être sympa en bouche mais ça n'a que peu d'intérêt quand on sait comment sont travaillées certaines vignes ici ou là en France et sur Bordeaux.

La viticulture/vinif à la papa, je passe mon chemin de plus en plus.

Avoir de beaux Bordeaux jeunes ou vieux OK!

Mais des Bordeaux de marque vendus chers et travaillés comme un produit agro-alimentaire de "milieu de gamme", non merci.

Les bordeaux ... je ne sais pas y prendre assez de plaisir en regard du prix qu'ils me coûtent (ou me coûtaient) ; leur profil plutôt sudiste surtout ne convient pas à mon palais très attiré par la souplesse et l'acidité, c'est pas trop le profil bordelais ; un histoire de goût surtout, même si quand c'est bon, c'est bon pour tout le monde, idem pour moi !

Emmane a écrit :Les bordeaux ... je ne sais pas y prendre assez de plaisir en regard du prix qu'ils me coûtent (ou me coûtaient) ; leur profil plutôt sudiste surtout ne convient pas à mon palais très attiré par la souplesse et l'acidité, c'est pas trop le profil bordelais ; un histoire de goût surtout, même si quand c'est bon, c'est bon pour tout le monde, idem pour moi !

Alors, je t'invite urgemment à découvrir Clos du Jaugueyron Haut-médoc 2016 et très certainement 2017...