L'oenologie est une science, qui s'enseigne sur les bancs de la fac, et peut conduire (en buvant, c'est ça qui est beau !) à un dipôme national d'oenologue. Comme le dit wikipedia, l'oenologue est « un expert qualifié qui, en raison de ses connaissances scientifiques et techniques, assure la pleine responsabilité de l'élaboration des jus de raisin, des vins et des produits dérivés du raisin. »
Bref, ça n'a rien à voir avec la technique de dégustation, même s'il est évidemment fortement recommandé à un oenologue d'avoir quelques bases dans ce domaine
Quand des néophytes veulent apprendre quelque chose, en général, c'est surtout à savoir "parler de vin", et pas à en élaborer ...
Parler de vin, ça peut être très compliqué : certains amateurs éclairés s'y entendent à merveille pour enjoliver leurs commentaires d'adjectifs improbables, de senteurs exotiques, de métaphores lyriques ...
Mais ça peut aussi être (relativement) simple, à condition de se concentrer sur l'essentiel. On va donc essayer de parler de l'essentiel
(J'ai mis ci-dessous en italique les termes, expressions et tournures que l'on entend généralement dans la bouche des amateurs)
Quand on veut "commenter" un vin, on tente d'expliquer ce que l'on ressent. Peu importe que vous n'ayez pas le vocabulaire des professionnels ! L'objectif premier est d'exprimer des sensations, avec son bagage du moment, bagage qui évoluera petit à petit à force de déguster et de confronter votre perception à celle des autres.
Tant qu'on n'essaie pas de mettre en mots ce que l'on ressent, il est difficile de progresser.
Le respect des règles académiques viendra (ou pas) plus tard : tout prof de dégustation qui se respecte conseille de construire un commentaire suivant le sacro-saint robe/nez/bouche, mais si vous n'avez rien à dire sur la couleur (la robe), et que le premier truc qui vous frappe est la puissance des arômes du vin que vous avez sous le nez, n'hésitez pas un seul instant ! "Ouah purée comment ça envoie du lourd ce truc" est un commentaire tout aussi autorisé qu'un autre
Bref, pas de complexes : dites ce qui vous passe par la tête !
Sur la robe, qui désigne donc à la foi couleur et luminosité/intensité, ma foi, je ne pense pas qu'il y en ait des tonnes à dire, c'est personnellement un point sur lequel je m'étale rarement dans mes commentaires, sauf s'il y a vraiment quelque chose qui sort du commun : un liquoreux très orangé par exemple, un rouge très pâle, un blanc très brillant (certains vins sont plus troubles que d'autres).
On verra plus tard que la couleur peut en revanche donner des indices, à la fois sur l'âge du vin mais aussi sur les cépages utilisés.
Le commentaire du nez est souvent celui sur lequel se focalisent beaucoup (peut-être trop) les "débutants" : il est évidemment toujours sympathique de parvenir à mettre un nom sur les arômes que l'on perçoit ("ah mais oui, c'est quoi ce truc déjà ... ahhhh ... du miel ... non ! de la cire ! non"), mais il ne faut pas que ça devienne une obsession : on peut déjà simplement commencer par une subdivision assez simple avec les quelques grandes familles d'arômes que l'on retrouve régulièrement :
- arômes fruités
- arômes floraux
- arômes végétaux
- épices
On ne vous demande pas de pondre dès votre premier commentaire un savant "hmmm, ce vin exhale des senteurs complexes de poivre de Sarawak". Non, un simple "ça me fait penser à quelque chose d'épicé, un peu poivré par exemple" est tout à fait convenable
Si c'est fruité, on peut essayer de décomposer : plutôt fruits blancs ou fruits rouges ? Fruits rouges ... rouges ou fruits noirs ? Etc ... C'est en affinant de la sorte que vous parviendrez, petit à petit, à citer plus spontanément le cassis, la framboise ou le coing.
Certains arômes n'entrent pas vraiment dans les catégories précédentes : on pourra par exemple chercher le côté boisé, et dire s'il est très marqué ou non.
Viennent également les défauts : un vin peut sentir l'oeuf pourri, l'écurie, le pneu brûlé, le vestiaire de foot après un match, ou encore le pipi de chat ... Toute image est la bienvenue pour égayer un commentaire
Vient ensuite l'analyse de ce que l'on ressent quand on met le vin en bouche, partie sur laquelle les débutants sont en général peu bavards. Il me semble important d'expliquer que la sensation gustative (tactile) d'un vin résulte d'un équilibre entre trois facteurs :
- l'acidité / l'alcool / les tannins pour les rouges
- l'acidité / l'alcool / le sucre pour les blancs
Pour l'alcool, c'est tout aussi simple : concentrez-vous sur l'impression de chaleur alcoolique que vous ressentez. Ce n'est pas forcément lié à l'indication qui figure sur l'étiquette ! Certains vins à 14.5° peuvent très bien sembler moinschaleureux (on dit doctement que l'alcool est bien intégré) que d'autres à 13°. L'alcool amène une sensation de gras, de rondeur en bouche qui est souvent flatteuse.
La palette d'adjectifs est ici plus limitée : on trouve en général les qualificatifs de léger à un bout de l'échelle, de généreux voire chaleureux à l'autre bout de l'échelle, de brûlant (rare) quand c'est vraiment un défaut.
Pour les rouges, on analyse ensuite les tannins. La sensation tannique, c'est cette impression d'assèchement que l'on ressent en bouche avec les rouges de certaines régions, surtout lorsqu'ils sont très jeunes.
Là encore, on peut se contenter d'une échelle basique : un peu tannique / moyennement tannique / très tannique / ahhh j'ai des échardes dans la bouche !
Dans le vocabulaire plus académique du dégustateur chevronné, on retrouve entre autres les qualificatifs suivants : tannins absents / tannins ronds / tannins veloutés / tannins fermes / tannins asséchants
Pour les blancs, si on ne ressent aucune sensation sucrée on dit que le vin est sec (ou qu'il goûte sec car on peut ne pas percevoir le sucre alors qu'il y en a un peu).
Si l'on perçoit du sucre, alors on parlera (par concentration croissante) de demi-sec, de moelleux, de liquoreux ... et pour finir de confiture quand c'est vraiment "too much"
Il existe ensuite une notion qui évoque l'impression d'en avoir "plein la bouche" (ou pas), c'est celle de matière. Certains vins donnent l'impression d'être "riches", d'autres non, et c'est ce que l'on essaie de décrire par les adjectifs suivants, qui me paraissent suffisamment imagés pour être explicites :
- bouche (ou matière) décharnée
- bouche fluette
- bouche svelte
- bouche étoffée
- bouche charpentée
- bouche massive
Deux qualités font un peu la synthèse de tout ce qu'on vient de dire : l'équilibre et la longueur .
On parle d'équilibre entre les composantes que l'on vient d'évoquer : un vin rouge peut être doté d'une forte structure tannique, mais s'il y a de la matière, et une sensation de gras amenée par l'alcool, alors l'équilibre peut être satisfaisant.
Un vin liquoreux peut être très riche et sucré, mais si l'acidité est suffisamment élévée, alors l'équilibre sera satisfaisant. Si en revanche l'acidité est trop faible, le vin sera perçu comme lourd.
La longueur, c'est simplement le temps pendant lequel le vin laisse une "trace" de son passage une fois que vous l'avez avalé. Certains vins donnent l'impression de s'évanouir très rapidement : on dit qu'ils sont courts. Pour d'autres on a au contraire l'impression de continuer à les boire pendant plusieurs secondes ... et leur souvenir peut alors durer plusieurs années !